la plume et l'image. (aria)

lucasz & aria

la plume et l'image.

Il fait bon aujourd’hui, et Aria quand il fait beau elle peut enfin sortir et aller sous son arbre et lire sans que personne ne vienne l’interrompre, sans qu’elle ne puisse être distraite par quoi que ce soit parce que c’est tellement facile de la distraire que s’en est fatiguant. Elle ouvre son livre enfin Aria, et elle peut enfin continuer de le lire, même si ça va bientôt faire deux mois qu’elle n’a presque pas avancée, comme si le destin ne voulait pas qu’elle finisse ce livre pour la centième fois, ou peut-être même plus, mais elle aime cette histoire, elle adore cette histoire, c’est l’une des rares qui arrive à la captiver à un tel point qu’elle peut s’y plonger plusieurs minutes sans avoir le besoin de faire quelque chose. C’est bizarre que quelque chose d’aussi simple puisse capter son attention d’une telle façon, aussi durement, aussi facilement, alors que tout le reste semble inintéressant pour son pauvre cerveau qui demande toujours de faire quelque chose d’autre.
Il fait bon aujourd’hui, et le temps se prête à la lecture, l’automne se prête à la lecture elle trouve Aria, elle ne sait pas trop pourquoi, peut-être parce que l’automne est sa saison préférée, avec ses feuilles de toutes les couleurs, le froid qui commence à arriver si bien qu’on se pelotonne devant un bon feu de cheminée avec une tasse de thé à la main, une habitude de sa vie en Angleterre. Ou peut-être parce que l’été l’étouffe, avec sa chaleur accablante et son soleil qui ne semble pas vouloir se cacher quelques minutes, et tous les coups de soleil qu’elle se prend la pauvre rouquine, qui lui font un mal de chien pendant des jours après, comme si elle avait pas déjà mal tous les autres jours de l’année.
Il y quelqu’un qui prend des photos de tout et n’importe quoi, et il lui semble à Aria qu’elle l’a déjà vu le photographe dans les couloirs du foyer, mais il y a tellement de monde que c’est facile de se perdre dans cette masse de têtes inconnues. Elle voit diriger son appareil vers elle la gamine, mais elle ne fait rien quand l’objectif s’approprie son portrait comme si c’était son droit, et retourne à son livre, comme si de rien n’était. « Que lis-tu ? » Elle sursaute la gamine quand elle entend la voix grave derrière elle, et quand elle se retourne, Aria elle reconnait le photographe de tout à l’heure, penché à côté d’elle, intrigué par son bouquin. Il la regarde dans les yeux, comme s’il la transperçait de ses pupilles, et elle aime pas ça la rouquine, et elle tourne la tête pour continuer sa lecture, mais un simple murmure sort finalement de sa bouche. « Orgueil et Préjugés. »

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Elle retourne sur son livre la gamine, à nouveau concentrée sur les mots qui dansent devant ses yeux, menaçant de s’échapper et de lui faire perdre sa concentration, mais elle fronce les sourcils la gamine, signe qu’elle se concentre un peu plus. C’est pas de sa faute à la rouquine, si elle arrive pas à lire quelque chose comme tout le monde, c’est son cerveau qui déconne, et qui lui joue des tours. Clic. Elle évite de croiser le regard du garçon la rouquine, le garçon qui prend des photos d’elle comme elle était une de ces mannequins qu’elle voit parfois à la télé, comme si elle était belle et qu’elle valait le coup d’être photographiée. Elle évite de le regarder dans les yeux parce que les yeux, c’est la porte vers l’âme, et elle ne veut pas que quelqu’un vienne fouiller dans la sienne. Elle essaie de faire abstraction du corps tout près du siens la gamine, parce que peut-être que comme ça, il fera comme tous les autres et va se lasser de l’attendre, d’attendre qu’elle fasse quelque chose de distrayant, et que dans quelques secondes il va disparaître aussi vite qu’il est arrivé.
Il y a un mouvement à côté d’elle, mais elle n’y fait pas attention la rouquine, parce que c’est sûrement le garçon qui se décide de se lever et de partir de son côté. Mais pas du tout. Elle sent quelque chose de lourd se poser sur sa chevelure rousse déjà assez lourde, et tâter la texture, et la gamine elle a un mouvement de recul, pas habituée à une telle proximité avec un autre être humain, incapable d’être à l’aise quand on la touche aussi aisément. Lui il sourit toujours, et elle se demande pourquoi il a toujours ce sourire aux lèvres, surtout dans cet endroit, et elle se demande comment c’est possible, mais que peut-être ce n’est qu’illusion.
Et puis il commence à réciter une phrase, comme si se souvenir de toutes ces choses est simple, comme si elle, elle pouvait le faire.  « Qui sourit n'est pas toujours heureux. Il y a des larmes dans le cœur, qui n'atteignent pas les yeux. » Elle se souvient de cette phrase. Elle l’a lu quelque part la rouquine, ça, elle en est sûre, mais où, elle se le demande bien. Elle cherche dans ses souvenirs, se concentre un peu plus.  « Jane Austen. » Il termine. Jane Austen. Bien sûr.  « Ton nom c’est quoi ? » Elle est prise de court la gamine. On ne lui demande pas souvent son prénom, on chuchote juste sur son passage en l’affublant de surnom comme la rouquine, ou bien elle a entendu la tarée, mais c’est rare qu’on l’appelle par son prénom, c’est seulement les amis qui le font. Elle laisse sortir de sa gorge les mots. « Aria. Laski. » La gamine elle se souvient de la formule de politesse qu’on lui a appris, seule chose que sa mère lui a apprise. « Et toi ? »

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Aria elle le voit hésiter, attendre quelques secondes avant de répondre à sa question, comme s’il ne sait pas ce qu’il doit de dire, et elle se demande bien ce qui lui passe par la tête à ce moment précis, parce que se présenter ce n’est pas compliqué, c’est même la chose la plus simple que l’on puisse faire, et le temps d’un millième de seconde elle se demande si lui aussi il n’est pas différent, comme elle peut-être, mais elle réfute cette idée. Après tout, elle ne connait pas ce garçon, elle connait même pas son nom, donc elle ne peut décidément pas faire des hypothèses sur son état, et elle préfère attendre, toujours en essayant d’éviter le contact des yeux.  « Lucasz Mikolaj. » Il finit par dire le garçon, et la gamine elle peut enfin mettre un nom sur ce visage, sur ces cheveux et cette stature, et l’inconnu est remplacé par le connu. Lucasz. C’est pas un prénom courant par ici, et encore moins son nom de famille, et la famille elle se demande s’il a pas des origines, comme elle, peut-être même des origines polonaise, parce que son nom et prénom font bien polonais, mais à la place de dire ce qui lui passe par la tête elle hoche simplement la tête, parce qu’elle est comme ça la Laski, elle aime pas parler, donc elle se retient tout le temps.
Puis elle le voit se lever à nouveau la gamine, comme s’il était sur le point de partir parce que la conversation semble finit, parce qu’elle a rien de plus à dire la rouquine, mais elle ne le sent pas s’éloigner. Au contraire, il se place devant elle, il obscurcit le soleil par sa forme, et un seul clic retentit dans le silence du jardin, et elle est à nouveau prise par surprise la gamine, parce que personne n’a pris le temps de la prendre autant de fois en photo avant, et qu’elle est pas habituée, et que les photos doivent être horribles finalement, avec son air étonné et ses cheveux même pas brossés, et pour une fois elle est coquète.  Elle est pas en colère qu’il prenne des photos d’elle la rouquine, parce qu’il fait ce qu’il veut au fond, et s’il veut prendre des photos d’elle, gâcher sa pellicule pour elle, qu’il le fasse, elle va lui dire ce qu’il doit faire.
« Tu vois comme tu es magnifique, seule, dans ce paysage aux milles couleurs ? » Il s’approche une nouvelle fois d’elle, lui montre la photo qu’il vient de prendre, et pour une fois, la gamine elle se trouve jolie, assise sur le banc, avec toutes ces feuilles de toutes les couleurs autour d’elle, son visage réellement surpris, et ses cheveux de feu qui s’intègrent parfaitement au cadre. Elle sourit la rouquine, une des rares fois que ses lèvres s’étirent ainsi, et sans prévenir ou demander elle prend l’appareil dans ses mains pour admirer un peu plus le travail de Lucasz.  « Tu es doué, tu sais. » Elle finit par ouvrir la bouche. « Tu arrives à prendre la photo au moment parfait, à montrer aux autre la beauté qu’ils ne voient pas en eux-mêmes. »