wicked (jag)

Il est tard. Ses cheveux ondulés dégoulinent encore le long de ses épaules mais elle s’en fout, ils finiront bien par sécher. Dans la cuisine il n’y a personne, il n’y a jamais personne; c’est ce qu’elle a constaté depuis qu’elle est au foyer. C’est tant mieux, personne pour l’emmerder, lui poser des questions trop intrusives ou lui lancer des regards trop insistants. Safaa n’aime pas trop les gens, et ceux qu’elle ne connait pas ont tendance à l’insupporter.
Descendue pour un verre d’eau, elle regagne le couloir emprunté à l’allée pour regagner sa chambre. Vêtue d’un t-shirt oversized lui couvrant à peine la moitié des cuisses, elle accélère le pas, elle n’a pas franchement envie de croiser qui que ce soit.
Elle marche en direction de l’un des escaliers, mais une silhouette attire son attention. Elle plisse les yeux, c’est un il, qui est de dos.
Elle s’approche, encore. Si la curiosité des Hommes la dérange, elle ne se comporte pas vraiment différemment d’eux. Et puis elle arrive presque à son niveau, il a l'air de regagner une chambre lui aussi.
Bimbamboum, son téléphone vient s'écraser au sol.
Elle ne prend même pas la peine de vérifier l’état de son écran, sa première réaction devrait logiquement être qu’elle fasse demi-tour sans trop de poser de questions mais il n’en est rien. Elle a d’abord un mouvement de recul, pas franchement rassurée par la vision du mec qui se tient devant elle. Elle reste juste plantée là, son corps ne répond plus. C'est la merde, la vraie merde.

Il se retourne. Donc, c’est bien lui. Sanaa l’observe, pas vraiment discrètement. Il a pris quelques centimètres, on dirait. Carrure plus développée, corps plus défini, c’est un homme maintenant. Elle se sent bizarre. Pas mal, sûrement pas bien. Juste très  bizarre.
Et puis il y a son visage qui a laissé place à des traits plus matures.Elle ne l’a pas oublié son visage. Et puis là elle se rend compte qu’Idriss lui ressemble. Genre, vraiment beaucoup. Ce gosse dont il ne connait pas l’existence, qu’elle ne mentionnera pas, et donc dont il n’entendra jamais parler. Parce qu’elle doit s’en tenir à son plan; trouver un taf, mettre de l’argent de côté, rentrer chez sa tante et le récupérer.
Ouais, c’est tout ce qu’il se passera.
Elle sort de sa léthargie, il faut faire bonne figure. Dans le pire des cas, elle s’écroulera une fois seule, dans sa chambre. Elle ramasse son téléphone indemne à la hâte, et invoque son système nerveux de se calmer. Elle croise les bras, peut-être dissimuleront-t-il sa poitrine nue sous le vêtement blanc.
Et sa voix. Plus grave encore;
- Ouais, ça fait un bail. C’est le cas de le dire. C’est un euphémisme et compte tenue de la situation, sa réponse pourrait sonner comme du foutage de gueule, s’il savait. Mais elle esquisse un sourire, tout de même.
Fut un temps où il lui a à peu près tout pris; corps (coeur?), virginité, fierté parfois. Il avait une gueule d’ange, un corps de dieu, mais souvent l’âme du diable. Elle ne sait pas quoi lui répondre, alors elle reste vague. - Disons que j’essaie de remettre un peu d’ordre dans ma vie. Ouais, ça fera l’affaire.
Et quand bien même, elle n’a pas l’intention de lui raconter sa vie en détails, elle se doute qu’il en fera de même. Mais elle lui retourne quand même la question. - Toi? Elle l’observe, encore, le dévisage de haut en bas, remarque sa petite mine et son allure générale. Pas pour lui déplaire, cependant. - Tu t’es fait rouler dessus par un train ou quoi? Elle s’adosse contre le mur, alors que sa nervosité s’estompe légèrement.

Pourquoi tu t’es adossée sur ce mur? Pars, dégage de là. Mais elle reste, toujours les bras plaqués contre sa poitrine, on ne saurait dire si c’est de l’autro-protection ou de l’aguichage corporel. Comme par le passé avec lui, elle voit le danger mais ne fait rien. Et puis après, il ne lui reste que ses yeux pour pleurer en vain, vu qu’elle retombera dans son lit. C’était la routine.
Mais ils ont grandit, ils ont muri, en principe. On n’agit plus sur le coup de l’impulsion, si? Elle ne sait pas, ils ne se connaissent plus.
Ca ne l’étonne pas plus que ça qu’il soit ici, en fait. Ce qui l’a vraiment surprise, c’est de le voir tout court. C’aurait pu être au supermarché ou dans une ruelle sombre, elle aurait sûrement réagit pareil. Dans tous les cas elle n’aurait jamais été sereine, elle porte le poids de leur « histoire », elle. Une capotte  qui a craqué, une contraception inexistante de son côté, et voilà, c’était ça.
Sanaa pose les yeux sur ses dreads; il lui arrivait de les lui faire parfois. Elle se demande pendant un court instant, qui a ce privilège aujourd’hui.
Elle se souvient du grand air de dédain pris de sa tante  quand elle lui avait demandé s’il y avait un père. Elle s’était contentée de secouer la tête négativement. Elle n’avait pas réfléchi, c’était la réponse de la survie. Pour elle, pour le gamin, et même pour lui.
Un escalier. - Ah. Elle est un peu sarcastique, l’air narquois. Elle n’en demande pas plus, ou elle risque de basculer dans le flirt.
Elle le dévisage encore, son entrejambe semble avoir un peu gonflé mais elle reste impassible. Autant qu’elle le peut.
Ils se parlent depuis moins de dix minutes mais, force est est de constater que l’alchimie est là, c’est dangereux. Elle se demande s’il a remarqué sa nudité complète sous ce t-shirt. Pourquoi tu penses à ça connasse? Dégage. Elle hoche doucement la tête, fait mine de vérifier l’heure sur son écran, à croire que quelqu’un l’attend dans cette pauvre chambre.
Elle se décolle du mur, il est temps de s’éloigner du danger. - Bon, je vais y aller. C’était cool de te revoir.

elle se moque, un peu. il comprend. lui aussi, il se foutrait de sa gueule si on lui disait ça. un escalier. excuse de merde, pourtant. un pas de travers et il l'a dévalé. son dos en compote, mais ça passe. la douleur, c'est son amante la plus fidèle, la plus sournoise, la plus loyale. il connait chaque muscle de son corps, chaque souffrance lui ayant fait comprendre à quel point l'humain est fragile.
pire qu'un insecte. il a pas de carapace, lui.
il la regarde. parce qu'il peut rien faire d'autre, dans ce couloir. elle est là, si facile à atteindre, si facile à prendre. à s'approprier. mais elle reste loin. il sait pas si elle essaie de se protéger. peut-être. peut-être pas. elle cherche le moyen de s'échapper. il le voit là, au fond de ses yeux, qu'elle a besoin de s'éloigner. il sait pas pourquoi.
elle avait disparu, safaa. et elle a l'air pressée de recommencer.
hey. il tend la main par réflexe, le mouvement flou dans l'obscurité. sa paume se pose contre le mur à côté d'elle alors qu'il se rapproche.
elle est à peine décollée du mur qu'il est presque contre elle.
il doit baisser la tête pour la regarder. il aime bien qu'elle doive lever les yeux. être plus grand. plus fort.
il sourit en coin.
t'es pressée de te barrer ? il se penche un peu, se rapprochant encore. il sent son odeur. il se demande si elle le sent aussi. l'envie. l'électricité. t'es pas contente de me revoir ? il y croit pas quand elle dit que c'était cool. elle a l'air d'une biche prise dans la lumière des phares. comme si il allait l'écraser. alors qu'il la touche pas.
pas encore.
il tend sa main libre, ses doigts attrapent une mèche de cheveux. il l'enroule autour de son doigt. ça fait longtemps, quand même. t'es pas obligée de partir aussi vite. il sait pas pourquoi il insiste. mais après tout, pourquoi pas ? elle est là, elle est bonne.
alors pourquoi pas.
ses cheveux sentent bon. il tire un peu sur la mèche pour l'amener à son visage, inspire l'odeur de son shampoing. il sourit. comme si c'était normal. comme si il avait pas l'air d'un psychopathe. comme si il rêvait pas de lui arracher ce t-shirt.
il relâche ses cheveux mais garde sa main près d'elle, faisant glisser ses ongles sur le côté de son cou, sur le tissu qui couvre son épaule. il se retient pas. parce qu'il l'a jamais fait. parce qu'il en a pas besoin. parce qu'il fait ce qu'il veut.
parce ce qu'il veut là, c'est elle.
apparition nocturne.
pile au bon moment.

C’est Safaa dans toute sa  splendeur, elle n’a jamais su fuir tant qu’il en était encore temps. La palme d’or de la stupidité lui revient, de loin.
Plus de quatre ans se sont écoulés, elle n’est plus la même. Elle n’est plus sa chose, il ne décide plus pour elle. N’est-ce pas?
C’est fini tout ça, l’emprise malsaine qu’il a pu avoir.  Elle s’en veut d’être aussi faible, n’est-elle pas censée avoir changé? Evidemment qu’il ne la laisse pas s’échapper aussi facilement, elle se rassure en se disant qu’au moins, elle a essayé. Conneries.
Elle n’a plus d’issue de secours à présent, littéralement prisonnière. Le peu de pensées raisonnables qu’elle avait encore il y a trente secondes; envolées.
Il s’avance, elle sent son souffle, il est trop près. Toute sa gestuelle pue l’insolence, il joue avec elle. Mais c’est elle l’insolente, normalement. C’est elle qui déstabilise, maintenant. Mais pas maintenant.
Elle subit un désir montant, la situation est risible, tellement elle est ridicule. Et s’il savait, est-ce qu’il se comporterait de la même manière? Elle hésite, l’espace d’un très court instant. Elle s’en tiendra au plan, il restera dans l’ignorance de sa paternité.
En attendant, elle est là. Pressée de se barrer, contente de le revoir, autant de questions auxquelles elle n’a aucune réponse cohérente. Oui, mais. Non, mais.
Elle avait disparu pour une raison, Safaa, du jour au lendemain et sans donner de nouvelles. Il n’avait pas du cherche à savoir ce qu’elle était devenue, et ça devrait être une raison suffisante pour qu’elle le laisse en plan sans difficulté.
Mais elle est là.
Qu’est-ce qui fait longtemps? Elle a les yeux plongés dans les siens, ils ne mentent pas. Elle le connait ce regard, ses intentions sont claires. Et elle sait qu’ils seraient capables de s’envoyer en l’air dans ce même couloir, l’endroit n’a jamais eu grande importance. Son regard s’attarde ensuite sur sa bouche, remonte  au niveau de ses yeux encore, et elle fait le va et bien plusieurs fois de suite. C’est le seul va et vient qu’il doit y avoir.
Elle s’est rapproche de lui sans s’en rendre compte.
Il l’effleure, elle frémit. Il est plus que désirable, elle est quasiment nue;
C’est toxique, eux deux. Elle sait qu’elle n’en tirera rien de bon, mais l’appel du corps semble plus fort que la raison, il l’a toujours été, rien n’a changé. C’est fou, fucked up.
- J’pense que je devrais. Mais son regard est concentré sur sa ses lèvres charnues. - Qu’est-ce que tu veux, Jag? Elle prend le risque d’attraper sa main, dans le but de l’éloigner, mais elle ne la lâche pas. Piégée.

elle lutte. il le voit, dans ses yeux, dans son attitude. elle lutte entre son cerveau et son corps. entre l'ange et le démon qui s'engueulent sur ses épaules. il se voit plus comme le diable, jouant avec ses cheveux. l'embrouillant un peu. dans un but purement égoïste.
il a jamais été un prince charmant, ne s'est jamais vanté de l'être. il veut cette fille. pour une nuit, pour deux, pas pour la vie.
il l'a déjà vue à l'oeuvre, il en a déjà profité. il sait que ce sera bon, qu'ils pourront remettre ça. il a rien contre. elle est parfaite, encore plus sexy que dans ses souvenirs, encore plus belle que dans les dessins flous de son esprit. il se souvient, des fois où il a pensé à elle, la main sur sa queue, le mouvement frénétique en pensant à ses lèvres, ses mains, sa langue. langue qu'il voit pointer quand elle parle. il a l'impression qu'elle veut fuir. mais il a pas envie. il a pas envie de la laisser s'échapper.
elle est si proche, son odeur l'enivre une seconde. l'odeur d'une femme, d'elle. il sourit en tirant un peu sur la mèche, sûr de capter son attention. il se lèche la lèvre. bonne question.
tu veux quoi, jag ?
il se penche, sort la langue, effleure sa lèvre inférieure. je veux ça. il descend dans son cou, laissant leurs mains se joindre, se tenir, une seconde. il donne un cou de langue à la jonction de son cou et de son épaule. puis je veux ça.
il avance, appuie son corps contre le sien, pour de bon, le début d'érection contre son ventre. et je veux ça aussi. il enlève la main qu'il gardait contre le mur, la fait glisser sur son corps, trouve sa cuisse, sa peau, remonte vers l'intérieur en griffant légèrement. je te veux toi. au cas où c'est pas clair, pas évident. au cas où y aurait besoin de préciser.
il gronde et capture ses lèvres pour de bon, lui volant un baiser. pas un baiser d'amoureux, pas un baiser tendre. il baise sa bouge comme il la baiserait elle, il dévore sa langue, la possède en se collant à elle, en la collant à lui.
elle est parfaite. il la veut. entière. tremblante. trempée. pour lui.
alors il s'arrête pas, il fait remonter sa main sous le t-shirt, trouve l'endroit qu'il attendait. avale les bruits qu'elle pourrait faire et vient prendre la température à la source, passant un doigt entre ses jambes. il sourit contre ses lèvres, effleure son clito et gronde, satisfait. se retenant de la prendre tout de suite contre le mur.
pas arrêté par le lieu.
plutôt par l'idée qu'il doit se retenir pour que ça se reproduise. pour sentir ses ongles sur ses épaules et son corps onduler contre le sien.
pour la sentir elle. contre lui.
le plus vite possible.

Elle le hait. Elle avait oublié comment il pouvait la faire se sentir, elle l’avait oublié, lui. Il ne fait plus partie de sa vie depuis et un bail mais, il parvient à lui faire perdre le peu de moyens qu’elle a de base devant lui, en trois regards.
Elle aurait du ramasser ce foutu téléphone et retourner à sa médiocre chambre, quitte à laisser planer le doute sur l’identité de la tête aux dreads.
Safaa soupire.
Elle ferme les yeux un court instant, elle sait très bien ce qu’il en est, elle sait ce qu’il veut.
Il la veut elle, il dit.
Mais elle sait maintenant Safaa, elle sait ce que ça veut dire. Il a envie de ses seins, ses fesses, de la toucher, d’être en elle. Mais il ne veut pas d’elle. Elle est à peu près sûre que ça n’a jamais été le cas; il n’a jamais voulu d’autre chose et elle s’est contentée de ça, la débile. Comme une gosse en manque de repères, elle s’est laissée à lui.
On aurait pu dire de Jag que c’est un connard qui lui a vendu du rêve pour au final ne lui apporter que du négatif. Mais le truc, c’est qu’il ne lui a jamais rien promis, à Safaa.
- C’est ça.
Elle rouvre les paupières alors qu’il prend possession de son corps et qu’ils formeraient presque un, sans la barrière de leurs vêtements. Il la titille, son rythme cardiaque accélère, mais plus d’angoisse. C’est une excitation dangereuse, interdite, quasiment immorale.
Obnubilée par lui, elle en oublie qu’ils sont en plein milieu d’un couloir publique. Du foyer. Rempli de gens plus fous les uns que les autres.
Elle en oublie le gamin de quatre ans qu’il ne connait pas.
Elle en oublie le deal passé avec sa tante.
Elle en oublie les raisons pour lesquelles elle se trouve là en premier lieu.
Et pour une raison qui lui est inconnue, elle n’a toujours pas bougé, elle n’ira nulle part.
Sa main qui saisit sa cuisse actionne comme un automatisme, elle relève une jambe au niveau de sa taille et l’agrippe. Les baisers sont passionnés, elle peine à reprendre son souffle.
Il est dur, ses caresses la rendent humide.
Elle passe une main au niveau de sa nuque et l’autre attrape son pull, avant qu’elle ne la fasse ses glissements hâtivement.
Elle retient ses soupirs comme elle peut, sa main libre est désormais au niveau de sa teub. Elle le regarde, elle hésite, et finit par faire glisser sa braguette d’un geste sec.
La bosse est mise en évidence, ne demandant qu’à être libérée. Elle sourit en coin. Elle s’empare de sa bête et à son tour, elle le caresse, de manière plus ou moins appuyée. Comme si elle n'a jamais arrêté de faire ce geste, elle le branle comme elle en avait l'habitude. Très vite, puis très lentement, elle fait varier la cadence.
Sourire de satisfaction sur les lèvres, elle lève à nouveau les yeux vers lui, ça sonne comme un regard de défi.
Oh, Safaa.