l'amour brille sous les étoiles ? (noé)

elle était arrivée une semaine plus tôt. mais c’était compliqué de se lier avec les gens, quand ils ne voyaient en vous qu’une fille qui écarte les jambes devant un billet vert. elle l’avait cherché, c’était vrai. c’était ce qu’elle était. même si depuis que la vieille était morte, elle n’avait vu personne. elle avait juste réussi à parler à une fille qui avait une chambre en face de la sienne. vaguement. elle lui avait parlé du toit. le vendant comme un rêve. c’était là haut, la vue était plutôt pas dégueu et en plus de ça, y’avait personne. ça faisait vraiment rêver. noé avait un peu cherché, mais elle n’avait jamais trouvé le chemin qui menait au toit. dans son lit, elle voyait la lune de l’autre coté de la fenêtre. noé se leva. elle enfila ses baskets et un vieux sweat élimé. elle coinça une cigarette entre ses lèvres. noé sortit et ferma sa chambre derrière elle. le couloir était silencieux. elle se levait souvent la nuit, depuis qu’elle était ici et jamais les couloirs n’avaient été aussi silencieux. elle trouva une porte qu’elle n’avait pas encore vu. noé monta les marches doucement. elle sentait le froid s’installer au fur et à mesure qu’elle montait. elle tenait le bon bout. en arrivant en haut, elle glissa sa capuche sur la tête et ouvrit la porte. son regard mis du temps à s’habituer à la pénombre. il y avait déjà quelqu’un. noé allait repartir comme elle était venue. mais l’ombre lui fit l’effet d’un fantôme. son sang se glaça. c’était lui. elle qui avait mis si longtemps à ranger ses caresses dans un coin de sa tête à double tour, il était là et tout lui revenait dans une vague glacée. il parle et elle n’a plus de doute. c’est lui. il l’a vu, elle ne peut plus s’en aller. noé s’approcha doucement et tendit la main pour qu’il lui donne son briquet avec lequel elle allume sa cigarette. elle lui rend et s’assoit à son tour au bord du toit. ses pieds se balançaient dans le vide. « tu t'es perdue ? ou la vieille t'as seulement envoyé pour me ramener ? » noé tourna sa tête vers lui. elle eut un petit sourire rapide. « je suis navrée d’être celle qui doit t’apprendre que le monde ne tourne pas autour de toi… » elle souffla. noé tira sur sa cigarette. « elle est morte. on s’est retrouvé à la rue, j’ai atterrit ici. » elle se contenta de dire. elle aurait pu mettre les formes, mais à quoi bon ?

ça faisait tellement longtemps qu’elle vivait chez la vieille, qu’elle avait eu l’impression qu’entrer au foyer était comme entrée dans un nouveau monde. elle n’arrivait pas encore à apprécier tous ces changements. certes sa vie de fille de joie n’était pas des plus glamour. sans compter que tant qu’elle y était, elle aurait donné n’importe quoi pour être ailleurs. maintenant, noé était ailleurs. c’est fou cette façon qu’on avait de toujours vouloir ce qu’on avait pas. elle rêvait de sa liberté et maintenant qu’elle l’avait, noé était complètement perdue. livrée à elle-même. ça ne lui était jamais arrivée. noé ne prenait pas de grandes décisions. généralement on les prenait toujours pour elle. depuis qu’elle était là on lui demandait son avis. elle avait même du rencontrer la psychologue. qui l’avait fait parler, parler, parler… noé n’aimait pas parler. surtout d’elle. garder sa vie pour elle, c’était tout ce qu’elle demandait. elle n’aimait pas le jugement qu’elle voyait dans le regard des autres, ici. elle savait qu’il faudrait du temps, pour pouvoir laver sa réputation de fille facile. encore qu’elle n’en avait pas totalement honte. elle avait choisi, finalement, de devenir cette fille.
elle n’avait jamais pensé devoir refaire face à oscar. il avait disparu depuis bien longtemps, elle l’avait presqu’oublié. et surtout, elle s’était fait une raison : il ne réapparaitrait plus. pourtant… il était assis là, à quelques centimètres d’elle. et elle ne s’était pas préparée à ça… « tu brises mon cœur là noé. » elle eut un petit sourire discret qu’elle ne lui montra pas. noé se cachait derrière sa tignasse brune, dans sa capuche, le regard fixé vers le bas. quand il répondit, au sujet de leur passé, il ne semblait pas tellement attristé d’apprendre qu’elle était morte. noé était un peu surprise. elle ne savait pas les détails de ce qu’il avait pu vivre avec elle. mais elle s’était attendue à un peu plus d’émotion de sa part. oscar ne lui donnait jamais ce qu’elle attendait. « alors, t'es là d'puis quand ? » elle leva seulement les yeux vers lui. il avait le même sourire qu’il avait eu cette nuit là. noé baissa à nouveau les yeux. la brune haussa les épaules. « quelques jours… » elle répondit vaguement. « on m’a proposé de retourner vivre chez ma mère. mais étant donné que j’ai pas envie de le faire reluquer par mon beau-père en pleine nuit, j’ai refusé. alors on m’a placé ici. » elle expliqua. elle s’était dit que s’il travaillait ici, il devait connaître tous les résidents, et donc il devait déjà connaître son passé, non ? est-ce qu’il travaillait vraiment ici, finalement. « pourquoi t’es là ? » elle demanda en levant ses yeux sombres sur lui.

revoir oscar la rendait nostalgique. nostalgique d’une vie qu’elle n’aimait pas tant que ça, pourtant. mais c’était facile, elle n’avait à se préoccuper de rien et c’était agréable. elle avait quitté une vie pourrie avec sa mère et son beau-père et atterrir chez la vieille avait finalement été comme un salut. et oscar en faisait partie. ils n’avaient jamais été très proches. du moins, à ses yeux. elle l’observait parfois en silence, mais c’était jamais plus. et puis il y avait eu cette nuit. il ne s’était rien passé. pourtant, elle sentait encore sa main caresser ses épaules, son ventre. elle sentait encore son souffle dans sa nuque. elle sentait encore la chaleur de son corps contre le sien tout frêle à coté de lui. il était parti et elle s’était imaginé comment serait l’après. mais il n’y avait pas eu d’après. il n’était jamais revenu. elle ne l’avait jamais revu. et certaines des filles affirmaient qu’il leur était passé dessus avant de partir. elle n’avait jamais dit à personne qu’il était venue dans sa chambre et qu’elle ne l’avait pas laissé faire. elle s’en était un peu voulu en silence… ça aurait pu être bien. quand bien même, de l’eau avait coulé sous les ponts et noé avait fini par ranger oscar dans une petite boite, dans un tiroir de son cerveau.
ce soir, il était là, refaisant surgir tous ses souvenirs qu’elle ne pensait jamais ressortir. elle frissonnait. l’automne s’installait comme il faut, et la nuit était froide. elle s’accrochait à sa cigarette comme à un radeau. il lui confirma qu’elle avait bien fait de venir ici plutôt que de retourner chez ses parents et elle haussa les épaules. ça lui était égal. sa mère ne lui manquait pas, en vérité. elle regarda le mégot d’oscar tomber en contre-bas, jusqu’à ce que la petite étincelle rouge du mégot s’éteigne définitivement dans le noir. « tu comptes rester longtemps ici ? » il demanda. noé tourna sa petite tête vers lui. « pourquoi, t’as quelque chose à me proposer ? » elle demanda en ricanant. elle préférait lui rappeler qu’elle s’était refusé à lui une fois et qu’elle pourrait très bien recommencer. noé tira une dernière fois sur sa cigarette et la lacha dans le vide à son tour. « je sais pas combien de temps. je partirai quand j’aurais assez d’argent pour le faire. » elle avoua. elle comptait bien partir d’ici un jour. elle rêvait de l’australie.