regret or shameless (israa)

Une semaine qu'il n'avait pas mit les pieds au foyer. Une semaine qu'il était ailleurs. Il ne pouvait pas expliquer la raison et il ne savait pas quoi donner comme excuse. Pendant tout le chemin vers celui-ci, il réfléchissait. Rien ne lui venait à l'esprit. C'était bête, car la vraie raison il ne pourrait pas la donner. Il appréhendait à mort de revoir Israa. Peut-être que lorsqu'il franchirait la porte, elle ne serait pas là. Elle ne serait pas dans le salon, assise en train de ne presque rien faire.
Les écouteurs dans les oreilles et le cœur qui bat à la chamade, faisaient qu'il se sentait mieux. Mais il savait que cette échappatoire n'était pas suffisante. Anas se sentait mal. Les sentiments ont le droit d'exister, tout être humain a le droit de ressentir quelque chose ? Le jeune homme décide finalement de dépasser sa peur et de pousser sur ce morceau de bois.
Il s'en doutait trop bien. Elle était là. Lui avait l'air de ne pas avoir pris de douche depuis une semaine et tout ce qu'il voulait c'était prendre soin de lui. Il n'aimait pas avoir l'air d'un clochard et pourtant c'est à quoi il ressemblait à l'instant. Merde, merde, merde. Disparaître, mais comment ? Il avait honte de lui-même en ce moment précis.

Israa avait tout de suite entamé la conversation avec lui. Il se sentait chamboulé par un tel accueil, lui qui voulait simplement rejoindre l'eau chaude. Elle croyait vraiment qu'il avait choisi d'être dans cet état là. Non, ce n'était pas par choix, mais à contre-volonté. Le fait qu'elle s'intéresse à lui, le faisait du bien et du mal en même temps. Elle avait choisi des mots blessant et elle s'inquiétait, ce qui était était rassurant. « Fiche moi la paix » répondit-il sèchement. Il serait bien parti du salon, mais couper une conversation n'était pas politiquement correcte. Aras est un homme droit et juste, c'est souvent pour ces raisons qu'on l'apprécie. La seule façon de s'y prendre était de mettre fin à la discussion. Le jeune brun savait que s'il restait un peu près d'elle, cela lui ferait plaisir et peut-être qu'elle ne poserait plus toutes ses questions. Il s'obligea alors à rester le temps de la calmer, puis il se promis de se laver et de se reposer.
Il s'asseyait sur le fauteuil à côté d'elle et enlevait un de ses écouteurs pour mieux entendre. « Ce n'est pas tes oignons Issie. Je t'en pose des questions moi ? »  L'envoyer chier était la seule manière qu'il avait de répondre à sa question. Arras est habituellement franc et honnête, mais cela ne fait pas bon ménage avec les secrets. Il ne pouvait pas en parler, on lui avait exigé, si non des problèmes surviendraient. S’il pouvait, il lui dirait, cela lui aurait fait du bien.
Il savait que c'était blessant ce qu'il faisait, mais c'était la seule manière de faire pour l'instant. Il avait l'habitude de l'envoyer chier quand elle s'inquiétait et inversement quand c'était lui qui s'inquiétait pour elle. C'était leurs façons de montrer qu'ils tenaient l'un à l'autre, mais jamais un d'eux oserait l'avouer. Il se releva pour prendre à boire, une canette de coca-cola et se rasseyait. « Quelles sont les nouvelles au foyer ? » demanda-t-il l'air de rien, pour changer de sujet.  

Anas savait que ces propos étaient prévisibles, mais il s'en foutait royalement. Du moins, c'est ce qu'il essayait de lui faire croire. Jamais il ne parlerait de ce qu'il ressens vraiment et elle le lui faisait remarquer. La canette de coca-cola étant déjà vide, il se levait pour la jeter dans la poubelle la plus proche. « cool. » prononça-t-il tout doucement. « je sais que je ne sers à rien » ouais il était inutile, il le savait et c'était cool, rien de plus.
Il s'adossa contre le mur, ne voulant pas se rasseoir et sortit son iPod de sa poche. Le jeune homme portait sur lui qu'un vieux training qui avait été tâché par la pluie d'automne et sweat-shirt noir. Il tapotait sur son jouait pour chercher une chanson qui lui convenait. Une fois satisfait du morceau trouvé, il le rangeait dans sa poche. Il releva alors les yeux vers la demoiselle et c'est à ce moment précis qu'elle choisis le moment opportun pour lui parler. Les mots qu'elle avait prononcés n'étaient pas anodins, cela lui faisait même sortir un petit rire en coin.
Des questions, toujours des questions, lui, il n'en pouvait plus de ces questions. « tu veux bien la fermer s'il te plait ? » demanda-t-il si poliment et énervé. « tu ne sauras rien » dit-il fermement. Il était temps qu'elle comprenne qu'elle ne pouvait pas savoir. « si l'idée des égouts te plaît, franchement, ouais, j'ai séjourné une semaine avec les rats. » C'était son dernier mot car il avait déjà beaucoup trop parlé.
Il ne pouvait, cependant, pas s'empêcher de la regarder et de la trouver incroyablement belle. Lorsqu'elle faisait cet incroyable geste avec grâce d'attacher les cheveux, elle était au naturel et détendue. Mais elle releva la tête pour croiser son regard et lui, le baisait. Il n'oserait pas la regarder en face car il lui mentait et ça, ce n'était pas bien.  

Fumer, il avait envie de fumer à ce moment précis, peut-être la seule chose qui le détendrait. Il ne pouvait pas le faire à l'intérieur et il ne sortirait pas. Cela voyait qu'il prenait sur lui-même pour ne pas exploser, mais d'ici quelques minutes, voir secondes il sera trop tard.  Tout le foyer l'entendrait – comme d'habitude.
Non, elle ne voulait pas la fermer, il le savait très bien. Parole inutile au fait, mais ils ne pouvaient pas s'empêcher d'avoir le dernier mot, l'un comme l'autre. « je suis là, sois contente et me fait pas chier Israa, vraiment, tu regretteras de m'avoir poussé à bout. » répondit-il sur un ton plus fort. Quelque personne assises au salon s'étaient retournées pour l'observer, mais cela l'importait peu, c'était sa réputation. Pourquoi, d'après le regard des autres, il faudrait changer qui on est ? Cela n'avait pas de sens pour Anas. Reste toi-même peu importe ce que les autres pensent de toi et tu te feras mieux respecter. C'était sa devise.
Israa avait le don de clouer le bec aux autres, mais cela ne l'atteignait absolument pas, seulement que parfois elle utilisait des mots blessants mais cette fois-ci cela lui faisait presque rire. « si tu me lâchais un peu la grappe, je serais déjà partis depuis longtemps me désinfecté », maintenant elle savait que c'était de sa faute s'il restait là contre le mur à attendre bêtement.
Peur de la regarder ? Non, non absolument pas. « arrête de croire que tout tourne autour de ta petite personne. » répliqua-t-il. C'était une bonne façon de détourner la vraie réponse. C'est vrai qu'il avait l'habitude de lui lancer des regards dures pendant des très longues secondes, mais aujourd'hui il était plus faible et fatigué d'être.

De son autre poche, il sortit un paquet de cigarette. Il prit la première qui venait, une au hasard et vient la déposer délicatement derrière son oreille. Elle n'avait pas bougé d'un seul centimètre alors que lui ne tenait plus en place, il ne savait pas où mettre ses jambes, ses bras, sa tête. Et pourtant, elle lui avait répondu exactement sur le même ton que lui, mais elle était douée pour ça. « je n'ai pas eu le choix Israa, si je le voulais je serais resté ici » cria-t-il et il ajouta un « près de toi » à peine audible.
Anas passait sa main sur son front comme pour se rassurer. Il était vraiment dans les ennuis et tout ce qu'il récoltait comme récompenses, c'était des ennuis en plus. Il se sentait vraiment « pas chanceux » en ce moment même. Sa vie se résumait à un échec complet. Il aurait voulu qu'elle soit là, simplement être contente de le revoir, cela aurait réchauffer son cœur mais là elle le refroidissait. Au moins, une chose était sûre, c'était qu'elle avait de l'emprise sur lui.  
Des cris, toujours des cris. « tu sais très bien de quoi je suis capable, je suis plus fort et plus grand que toi. Je n'hésiterai pas à utiliser la force s'il le faut. » Crier et gueuler sur quelqu'un c'était une chose, mais passer l'étape d'après, cela en était une autre. Son père l'avait fait sur lui et probablement sur sa mère aussi. D'un côté heureusement qu'elle était morte, elle est mieux au paradis qu'à ses côtés. Anas se sentait mal de réagir comme ça, mais il n'avait jamais rien connu d'autre que la violence pour se débarrasser de ses problèmes. Jamais il n'avait tué quelqu'un, mais un jour, la limite sera franchie et ce jour-là il ne voulait pas qu'il arrive – même si c'était tout simplement inévitable.
« mais je n'attends que ça, de partir, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué » c'était clair, elle lui en voulait mais il ne se ferait pas pardonner, dans quel but ? Anas ne cherche pas la sympathie des gens, il essaie juste de s'intégrer et c'était bien assez. Elle aussi rigolait, rien de drôle, c'était des ricanements moqueurs. Il fallait vraiment que ce cinéma cesse. Il prit Israa par la main et la fit se lever de son fauteuil et partit du salon pour se retrouver dans le couloir, là où personne n'était. « Ecoute Issie, je peux t'expliquer en partie, mais pas devant tout le monde et stop les questions ok, je te donnerai suffisamment de détail pour que tu sois satisfaite. » Maintenant cela suffisait de tourner autour du pot.

Elle n'avait rien répondu tout au long. Pour une fois Anas avait réussi à avoir le dernier mot. Il était plutôt fier de lui. La jeune femme répliquait quand même lorsqu'il avait parlé de la frapper, ce qui était rassurant. « toi ? te défendre ? » il rigolait.
Enfin ils étaient seuls. Elle s'était défendue de son emprise et il l'avait laissée aller. Il se rendait compte qu'il l'avait peut-être un peu serré fort, ce n'était pas voulu. S'expliquer, c'était la seule chose qui comptait en ce moment pour elle. Anas se mordillait les lèvres, passait encore sa main sur son front et dégluait difficilement. Il ne s'était pas vraiment préparé à devoir dire quelque chose à quelqu'un. Et encore moins à s'il devait parler, qu'est-ce qu'il devait dire ? Il faisait mine de réfléchir, mais rien ne venait à son cerveau, ce n'était pas de la réflexion pure, il pensait pour penser, par mal l'aise. « euh. » prononça-t-il enfin. Il reprend confiance en lui, car ce n'était pas son genre de se  montrer vulnérable. « je travaille dans la rue pour un mafieux. Je ne fais plus seulement que des combats. Ce n'est pas très légale et je ne suis pas censé pouvoir en parler. Il peut m'appeler à tout moment. Parfois je serai absent une semaine et parfois un jour, c'est comme ça. », finalement ce n'était pas si compliquer de s'exprimer et d'expliquer. Mais il fallait quand même qu'il mette en garde la jeune fille. « ne t'avise pas de me suivre ou de me poser plus de questions, parce que toutes personne mêlés à cette histoire, n'en s'en sors pas. », quelque part il s'en voulait lui-même de s'y être mêlé. « je tiens un minimum à toi, pour essayer de te protéger, mais là dehors c'est juste impossible, je suis le plus faible, contrairement à ici. Ils m'ont promis que jamais ils ne toucheraient au foyer – de toute façon il est protégé par l'état – mais on ne sait jamais d'accord. » Parfois il rêvait qu'ils venaient le chercher au foyer et qu'ils y mettaient le feu à celui-ci, mais ce n'était que des craintes.
Maintenant Anas ne savait vraiment plus où se mettre. De plus, cette proximité avec Israa le rendait tellement mal à l'aise. Il y avait si peu d'occasion où ils se retrouvaient rien qu'à deux, ce n'était pas habituel, étrange.

Ce n'est pas souvent qu'ils se retrouvaient l'un en face de l'autre sans leur public habituel. Certes cela s'était déjà produit auparavant mais le fait qu'il doive avouer quelque chose à cette fille était plus que déstabilisant. Et pourtant lorsqu'il avait tout avoué à Israa, il avait eu l'impression qu'elle s'était moquée de lui. « C'est un truc de fou déjà Is', je ne peux pas en parler normalement. » répliquait-il en insistant bien sûr le fait qu'elle ne puisse pas aller le répéter. C'était top secret. « Et en plus, je n'ai pas l'impression que tu me prends vraiment au sérieux. » chuchotait-il. Mais heureusement pour lui, elle le rassurait sur le fait qu'elle tienne vraiment à sa vie et qu'elle était assez débrouillarde. Sur le coup, il acquiesçait car il la croyait. Israa n'a que dix-neuf-ans et pourtant il a l'impression qu'elle a son âge. Ce n'est pas une gamine comme les autres, non elle n'est pas immature. Et puis, Anas, n'avait jamais eu l'habitude de prendre la responsabilité des autres, ce n'est pas aujourd'hui que cela allait commencer.
Anas, ne disait plus rien, il avait trop de fierté pour cela. Et même lorsqu'elle lui proposait de monter sur le toit, il était d'accord. Quelques secondes plus tard il se rendit compte qu'elle lui avait piqué sa cigarette. Il souriait, cela l'amusait de voir qu'elle pouvait s'amuser avec un rien. Le jeune homme suivait la jeune femme avec un rythme lent, il n'était plus pressé puisque apparemment la douche, l'eau chaude et la bonne odeur du shampoing étaient reportées. Une fois arrivée sur le toit, il sortit un autre clope de son paquet et la posa sur ses lèvres. Le vent étant là malgré lui, il se retourna pour s'en protéger. Allumé, il pouvait maintenant s'asseoir à côté de la jeune femme pour qu'ils puissent continuer cette conversation.
L'ambiance était calme et conviviale. Les engueulades du retour étaient maintenant finies et les choses étaient tombé à plat. Il pouvait enfin se retrouver seule avec elle et parler de tout et de rien. « alors finalement, ces nouvelles ? j'ai le droit de savoir ou bien c'est top secret» dit-il en rigolant et en espérant que son mauvais caractère ne referait pas surface.

Inquiète. Elle l'était, c'est certain, même si elle ne le montrait pas spécialement. Elle essayait surement de minimiser ô combien elle tenait à lui. Lui montrer simplement qu'elle était un peu inquiète mais que cela n'était pas vraiment ses affaires. Mais Anas savait qu'elle dissimulait son énorme inquiétude, du moins il supposait. « Si tu savais seulement ce qui se passe quand je suis là-bas. Ce que j'y vois et comment on vit, tu ne voudrais pas de ça pour moi, tu voudrais que je reste ici avec toi. » lui répondit-il. Il savait qu'il pouvait tout lui dire, car c'était une personne en qui il a confiance, elle ne répétait jamais rien et ça, il appréciait. Ils partageaient des trucs à deux et personne ne savait vraiment ce qui se disait ou se passait quand ils avaient disparu. « Si tu me crois, alors je te crois. ».
Israa avait pris la cigarette de son oreille et lui avait demandé son briquet tellement implicitement, mais son regard voulait tout dire. S'il y a bien une chose qui comprenait, c'était ses regards à elle. Il ne pouvait pas l'expliquer.
L'air frais caressait sa joue et la fumée s'en allait au loin à chaque fois tirait une latte sur sa cigarette. Ce sont des moments comme ça, qui lui faisait oublier tous ses problèmes, qui lui faisaient rester au foyer. Après l'avoir terminée, il s'en brulait une deuxième, parce que cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas décompressé.
Sa semaine ? Comment pouvait-il expliquer plus que ce qu'il n'avait expliqué « Oui » répondit-il à sa question tout simplement. Il se rapprochait d'elle, parce qu'il avait besoin de lui montrer de l'affection. Alors que sa deuxième cigarette était à peine consumée, il mit son bras autour de sa taille et posait sa tête sur la sienne. Il ne savait pas bien à quoi il jouait, non il laissait son corps et ses envies s'exprimer.