Elle a la petite vingtaine et l’impression de ne pas avoir réussi grand chose dans sa courte vie. Le pire, c’est sûrement qu’elle en a conscience, mais elle fait la sourde oreille quand on le lui rappelle.
Ils racontent tous de la merde, de toutes façons.
C’est pas comme ça que c’était censé se passer, pourtant. En plus, ça avait plutôt bien commencé pour la gamine qu’elle était. Des parents qui se souciaient d’elle, assez pour lui faire quitter leur modeste vie et un destin instable. Assez pour qu’ils se sacrifient et l’envoient en Europe, pour lui offrir de meilleures perspectives, c’est ce qu’ils disaient. Elle s’y plairait, c’est ce qu’ils disaient aussi.
Ils racontaient tous de la merde, de toutes façons.
Alors elle est partie, Safaa. Haute comme une pomme et demie, elle changeait d’horizons sans trop comprendre ce qui lui arrivait; elle se souvient simplement d’un froid perçant l’accueillant à l’aéroport, de visages aux peaux pâles et au milieu de la foule, de faciès vaguement familiers qui la gratifiaient de sourires enjoués.
Et puis s’en est allée de la vie, des routines se sont installées, mais elle ne s’est jamais sentie pleinement à sa place. Alors les conneries ont commencé; tout pour attirer l’attention, tout pour attiser les jugements en tous genres. Sanaa c’était une gamine incomprise, pourrie gâtée pour certains et simplement mal dans sa peau pour d’autres. Elle dépassait tout le monde, les mots n’ont très vite eu aucun effet sur sa personne, les gifles non plus, et les coups de ceinture encore moins.
Son échappatoire c’était dehors. Elle y a passé le plus clair de son temps adolescente, on n’avait plus aucun contrôle sur elle. Les plaintes de sa tante restaient dans l’oubli, les menaces de ses parents à l’autre bout de fil subissaient le même sort. Sanaa ils l’avaient tous perdue, elle ne leur appartenait plus.
Elle s’était donnée à la rue, construite une carapace en ciment, inventée un caractère de garce en puissance, et était tombée dans des cercles plus malsains les uns que les autres.
L’école? Perdue dans les méandres des oubliettes, un peu comme elle. Et puis, à l’aube de ses dix-sept ans, elle est tombée en cloque; trop tard pour avorter elle s’est vue devenir mère insouciante. Un cliché en somme? Peut-être.
Safaa ne s’est jamais calmée, elle a continué à vivre sa vie telle qu’elle l’entendait, pas vraiment d’instinct maternelle en elle, pas la force gérer quelqu’un d’autre que sa personne. Oh elle l’adore, ce petit. Mais pas la foie d’être maman. Sa tante est là pour ça, mais elle ne l’est plus pour elle.
Dehors, elle n’a qu’à y rester si elle s’y plait tant, c’est ce qu’elle avait dit.
Quatre ans, c’est l’âge de son fils. C’est aussi l’âge qu’elle avait quand elle a quitté son Soudan natal; plus elle y pense, et plus elle se dit c’est un âge maudit, celui où tes parents t’abandonnent.
adèle, 21 ans , je suis en Suède pour quelques mois et genre c'est pas un cliché, ils sont vraiment tous blonds aux yeux bleus. je suis grave incohérente comme personne; j'aime les gens mais j'aime pas les gens, la bouffe c'est la vie , je fais soit la gamine soit la mamie et j'adore mettre des citations qui n'ont rien à voir avec mon humeur, ni ce que je pense sur whatsapp. |