Louise quand on l’a vue arriver au foyer, on s’est dit que c’était encore une de ces petites bourges qui pensaient que le bénévolat c’était joli sur leur dossier de candidature pour l’université. Mais le truc, c’est que Louise, elle est pas arrivée avec un gros sac plein de bouffe. Elle s’est pas non plus mise au milieu de la pièce pour essayer de convaincre ces jeunes que la vie c’est un combat qui en vaut la peine, que tout le monde a le droit à une deuxième chance… Non, elle a même pas essayé de faire tout ça. Louise, elle est arrivée avec un gros baluchon plein de n’importe quoi. Beaucoup de vêtements, des trucs qui valent cher ça c’est certain, du maquillage, des bijoux… Et surtout, elle a ramené des tas de crayons, des feutres, des pinceaux... Une collection impressionnante qui laissait croire qu’elle avait cambriolé le magasin des beaux-arts. Puis en fait, Louise elle s’est juste assise par terre sans un mot. Elle s’est mise à dessiner et elle s’est plus jamais relevée.
Louise elle fabrique plein de choses. Parfois, elle fait des portraits, si vous êtes intéressant elle se laissera tenter. Mais ça ne veut pas dire qu’elle vous le montrera. De toutes les manières, ce n’est qu’un petit dixième de ses œuvres, car Louise elle dessine tout ce qu’elle a dans la tête. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’elle a une imagination débordante cette enfant, et ce qui la fascine c’est les étoiles. Elle est persuadée que ce sont des portes qui mènent à d’autres mondes, et elle s’amuse à représenter ce qu’elle pense qu’il peut s’y trouver. Ça fait des années qu’elle se construit son propre univers de cette manière, loin de la rigidité morbide de ses parents.
La rigidité morbide de ses parents, il faut en parler. Parce que vous la jugez probablement, vous vous demandez ce qu’elle fait là, cette abrutie. Elle a tout foutu en l’air, son compte en banque, ses relations, son avenir… Vous, vous vous dites que vous tueriez pour avoir la vie qu’elle avait, et elle, elle l’a abandonnée ? Ces gosses de riche putain, ils se rendent pas compte. Et elle va pas vous contredire Louise, c’est certain qu’elle avait pas réalisé la difficulté que c’était la vie ici, elle avait pas non plus réalisé que vivre de son art c’était pas suffisant, même sans les obstacles que représentaient ses parents. Mais y’a autre chose vous savez, parce que vous, vous réalisez pas que des parents comme ceux de Louise c’est pas supportable. Souvent on lui reproche « Oui mais t’avais des parents. » « Oui mais au moins ils se souciaient de toi. » et Louise elle en marre de devoir expliquer que ça fait pas tout, et que de toutes les manières c'est pas ça du tout.
Ses parents ils se préoccupaient pas d’elle vous savez. Ils étaient aveuglés par l'illusion qu’ils s’étaient forgé avant même qu’elle n’existe. Ils ne connaissaient ni ses besoins, ni ses envies, refusaient de les voir. Ils n’apercevaient en elle que ce qui les arrangeait, effaçaient tout ce qui les dérangeait. La manipulait comme si elle n’était qu’une poupée de cire à façonner selon leurs envies. Si les parents de Louise tentaient de décrire leur fille, c’est d’une personne inexistante dont ils parleraient. Et Louise elle en avait assez de pas exister, elle en pouvait plus de se sentir oppressée, réprimée, censurée… Bon sang, même son petit ami ils lui avaient imposé ! Alors elle s’en est allée, Louise. Elle voulait juste vivre, et elle a choisi, oui, elle a choisi de poser ses fesses sur le sol du foyer parce qu’elle espère qu’ici on la laissera être.
j'ai dix-sept ans, j'suis timide, j'aime les emoji et je passe beaucoup trop de temps sur internet. |