J'me trouve en rase campagne, j'comprends rien. Je suis arrivée là comment ? Je pose mes poings sur mes tempes. Réflechis, réfléchis. Trois fois que ça m'arrive, j'me rappelle rien,putain, rien, rien rien. Les arbres sont hauts, et je suis devant une prairie. Je respire de plus en plus vite, si je continue je sens que je vais vers l'hyperventilation, il faut que je me calme. Je m'assois. L'herbe est fraîche et humide, je m'allonge. Je suis soudain euphorique et je comprends PUTAIN JE FAIS UN BAD TRIP je chuchote, un sourire aux lèvres.
Je crois que ça me reviens, j'étais en soirée, et je ne connaissais pas âme qui vive. Si, j'y avais été avec elle, avec lui. Qui sont-ils ? Je vous pose la question alors, je saurais pas y répondre ! Je ne connais personne, je m'ennuie, alors je danse sur une musique pop.C'est ce que je fais de mieux. Je sais que tout le monde me regarde et particulièrement tous les mecs présents. Je ne sais pa sme dire si ça me gêne ou m'amuse. Les deux, alors je continue.J'ai l'habitude. Il me regarde, mais je veux qu'il voit qu'eux me regardent, qu'il n'est pas le seul. Avant qu'on vienne, je ne faisais que broyer du noir, à me morfondre sur moi-même. Sans. Aucune.Putain. de. Raison. Ca fait longtemps que j'ai pas souri. Avec lui je souris. Comme avec un autre. Suffit qu'il me fasse exactement ce qu'il faut au lit, que j'aie un peu trop bu, que je sniffe un peu trop, et je souris. Autrement, je n'y arrive pas.
Pendant longtemps,j'ai été l'âme des soirées. « Brüna c'est la meilleure » « Qui ne va pas chez Hilde ce week-end n'a rien compris à la vie » Et pourtant, je n'ai pas de meilleures amies. Je ne pense pas.
Je me rappelle de mes parents,je me rappelle de ma maman. Je me rappelle sa voix douce, ses rires, ses larmes, ses remontrances, ses inquiétudes, ses films. Ses appels manqués, que je compte par dizaines à chaque fois que je regarde mon téléphone portable. Elle réussit toujours à trouver mon numéro de téléphone, comment ?
Je me rappelle de mon papa, sa peau sombre et dorée, comme son autorité, ses conseils, ses cours, sa fierté, sa lassitude. Je me rappelle plus aujourd'hui de ses virements sur mon compte, virements réguliers qui ont l'espoir de me ramener à lui,à maman à la réalité, à leur réalité. Lui aussi me laisse des messages angoissés,des sms inquiets, m'envoie des lettres alarmantes. « Tu vas finir par nous tuer si tu ne nous dis pas où tu es » Mais je suis là où tout à commencé Papa.
Là où on a passé nos vacances d'hiver, dans ce chalet près de Munich. J'avais 19 ans et j'avais réussi à m'échapper du chalet et ses gardes du corps pour sortir en ville. C'est là que j'ai rencontré des jeunes de mon âge. Ils parlaient avec un accent qui me faisait mourir de rire. On avait beau voyager aux quatre coins du monde, mon allemand restait plus que correct mais je ne pouvais m'empêcher de rire. Ça les a énervé, et ils m'ont cogné. Je n'ai plus de souvenirs dur este de cette soirée, mais je savais qu'étrangement, c'était ce type d'histoires, ce type de train de vie que je voulais voir, loin du cocon superficiel dans lequel on voulait m'enfermer. Après notre semaine de retour en Allemagne, je finissais par revenir seule ; à Munich même, Francfort, Berlin, Cologne.. J'ai créé mon caractère sur les personnages que je créais à chaque ville que je visitais « Je suis une star du porno/J'ai pris une année sabbatique à la fac, je fais le tour du monde/Mon père dirige un cartel » Rien à prouver, rien à expliquer. Aucune attache, je ne dois rien à personne. C'est comme ça que je suis entrée au foyer. Je n'ai raconté qu'une fois que j'étais véritablement la gosse de riche qui avait soif d’expérience, de se prouver à elle même qu'elle n'était pas que ce que ses géniteurs lui avaient donné, qu'elle était une âme perdue, et que ce foyer était en train de lui insuffler une nouvelle vie.
Mais pour l'instant, j'suis bien. Putain j'suis bien. J'suis en train de redescendre doucement, allongée sur une herbe qui sent bon la terre après la pluie. J'veux rester là. Pas seulement là, je ne sais pas où, mais à Berlin. Mais là aussi, au milieu de ces grands arbres, même si mon t-shirt et mon short en ressortiront trempés.
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