les fumées acres de marie jeanne au creux de mes lèvres, l'odeur du spliff qui embaument la pièce et les souvenirs plein la gueule.
c'est comme ça, parfois, quand j'oublie de hurler pour ne plus m'entendre penser.
j'pense à la gamine que j'étais, qui se laisse voler sa liberté, et qui tourne comme un animal en cage dans sa prison coulée dans du béton tout gris sans comprendre c'qui lui arrive. j'étais là, quelque part, en orbite. j'regardais la vie des gens avancer et se construire. et la mienne qui restait suspendue dans le temps, comme figée, désamorcée. plus tard, je ne me voyais nulle part. devant moi, du rien sur fond de néant et sous mes pieds, un abîme qui me tendait les bras. la chute qui se présentait à moi comme une évidence. et ça m'rendait folle, tu vois, de ne pas me sentir exister aux yeux du monde. j'avais la gerbe, j'avais la haine, et un dégoût profond qui commençait à s'installer au creux d'ma gorge. ils m'ont fait monstre d'insolence, si bien que du haut de mes douze piges j'avais déjà tout ce feu dans l'regard, cette lueur inquiétante qui s'y loge, ce goût de cendres sur la langue, et presque autant de suie dans les yeux.
j'pense à ces nanas que j'ai laissées derrière moi en saisissant la main que t'as bien voulu me tendre. on n'a jamais eu droit à des adieux dignes de ce nom et j'le regrette un peu. quoi que je fasse, j'arriverai jamais vraiment à les oublier. j'me demande souvent où elles sont, c'qu'elles font, si elles ont comme moi réussi à avoir l'envie de s'extirper du fond abysses. mais c'est la peur qui me tord le ventre, quand je vois leurs noms encore affichés sur mon répertoire. c'est étrange, mais j'me sens pas prête à les revoir un jour, pas maintenant, plus tard, jamais peut-être. j'y pense, et ça m'prend la tête. je garde en mémoire chacun de leurs traits, jusqu'à leur gestuelle et la façon qu'elles avaient de fouler le bitume. c'est dingue, comme on était toutes si différentes et pourtant tellement peu dissociables. on était six meufs aveuglées par nos envies et nos ambitions despotiques. le gang, c'était une façon de nous faire entendre et de nous imposer. on était les reines de notre blême cité hlm, les crapuleuses, les mauvais exemples, les regards fous qui les faisaient tous trembler comme des feuilles mortes. problèmes de comportement, scolarité en berne et les darons dépassés par les évènements. la rengaine, c'était toujours la même. y a eu les fils de pute en costume bleu, les centres fermés et toute leur bien-pensance qu'ils nous vomissaient dans la bouche et nous forçaient à avaler. mais malgré tout c'était la belle vie ça tu vois, quand on pensait que le monde nous appartenait, que tout était possible.
jusqu'à ce que.
tout se brise, tout se casse, trop vite. écrasées nos couronnes en papier mâché. on veut vendre nos culs aux plus offrants sur les trottoirs. c'est trix, qui a vendu notre âme au diable. j'l'ai surprise en train de se faire menacer par son mec, le flingue sur la tempe. j'ai cru, à ce moment-là, que les paradis artificiels jouaient des tours avec mon cerveau. j'ai essayé d'oublier, mais il m'a chopé le jour suivant. il m'a dit qu'il allait m'descendre si j'en disais un seul mot aux filles. ça paraissait, tellement irréel, tout c'qui s'passait, que sa gueule de pitbull m'a faite marrer comme une conne. j'étais défoncée, et à deux doigts d'y passer si t'étais pas venu à ma rescousse alors que quelques heures plus tôt, j'étais prête à cogner tes copines qui faisaient les pimbêches avec leurs talons de putes comme j'en avais déjà cogné des tas. ça aussi, ça m'avait bien fait rire.
tu t'en souviens, de ce soir-là, pas vrai?
j'sais pas trop c'qui m'a pris, sur le coup, de te rattraper. j'me demande bien quel genre de conneries j'ai pu déblatérer pour que tu laisses ma carcasse de pestiférée crécher sur ton divan. j'crois que, j'ai balancé des choses qu'on confie pas à un inconnu rencontré dans la rue. le lendemain, le regard que tu m'as lancé m'a fait comprendre que je t'en avais trop dit, et ça m'a poussé à me barrer sans un au revoir, ni merci. j'ai pris la fuite. puis surtout, j'mourais envie de te faire saigner, à me donner la désagréable impression que tu me connaissais par cœur.
mais j'arrêtais pas à penser à c'qui s'était passé l'autre jour. j'ai eu très, très peur. et j'ai commencé à me sentir vraiment, terriblement seule. c'était tout nouveau pour moi, j'savais plus quoi faire, alors j'suis revenue vers toi, à tâton. et depuis, j'suis jamais plus repartie. et c'est pas non plus comme si t'avais tellement cherché à me dégager de ta vie. si ça avait été le cas, je crois que toi, tu t'en serais probablement porté pas plus mal, t'aurais fait plaisir à ta pute aux cheveux de blé et j'aurais pu me lasser de gesticuler pour me faire une place, perdre de mes couleurs et commencer à m'dire qu'au final, j'étais pas si mal, au fond d'ce trou qui m'attendait depuis tout c'temps. qu'être lâche, c'est reposant parfois. que j'étais bien, et que si on finissait par m'oublier, ça serait pas une grande perte, tu vois.
mais non, tu m'as gardé, avec toi et j'suis encore là, et j'avance, même si j'menace souvent de trébucher. j'partirais pas comme ça, on s'débarasse pas si facilement d'une teigne comme moi.
et puis j'les laisse fabuler, j'les laisse dire tout ce qu'ils veulent bien s'imaginer.
mais moi je sais, que t'es le seul à avoir fait fleurir là où rien n'avait l'habitude de pousser.
moi c'est lorenna, j'ai bientôt 19 ans et puis, bah, j'ai rien d'plus à dire, faut pas m'en vouloir j'suis timide (JUSTE un smiley aussi fabulous que celui là avec bellemarre, j'suis morte les gars franchement gg ) |